Tacler dans sa surface
Un polar footbalistique au pays des "breizhous",
plein d'odeurs d'embruns et de coups bas dans les tribunes
L'auteur
Matthew Louarn adore les ambiances de foule et les personnages capricieux... |
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Pourtant ça avait pété, deux fois.
En face d'eux, d'abord, puis à droite.
L'affaissement de la tribune de l'Ouest, je l'avais vécu mon nez collé
à l'épaule de Nolwenn, qui n'avait même pas maté. Elle avait
déconnecté ses oreilles en tournant le dos à la pelouse, et elle
chevauchait mes cuisses, aspirait la peau de mon cou en y
étalant sa salive. Toujours comme ça, ensuite, on a continué à se
bécoter dans leur tribune déserte, au milieu des balais d'hélicoptères et
à vingt mètres des brancards étalés sur la pelouse. On se léchouillait
et on se touchait, encore, quand ça a pété une deuxième fois. Cette
fois ça été un coup unique, comme un déchirement dans le silence du
stade. C'est parti des buts, de la cage qui était celle de l'équipe du
stade en première mi-temps. Nous, on a rien capté. On avait nos
ventres collés l'un à l'autre, et nos deux bouches qui faisaient
ventouse et qui se caressaient à l'intérieur. De l'autre côté par contre,
mes potes étaient aux premières loges. Quand la tête du gus a
explosé, ils m'ont dit qu'ils étaient un peu plus haut, et à moins de vingt mètres de
distance. Pourtant, ils n'avaient jamais vu le chef, mais Nolwenn leur en
avait tellement parlé. Ils savaient que c'était son cadavre qui était étalé
là, à quelques mètres, explosé contre le béton, en train de regarder la
lune. Ils savaient aussi qu'avant de se faire définitivement couper dans
son délire de mégalo, il avait palabré un petit moment avec
Santa-Maria, devant les deux mille spectateurs muets des popus.
Maintenant, deux brancardiers étaient en train de ramasser le mort,
mais le flic était encore là, les yeux vides, à ruminer les dernières
phrases de l'halluciné fauché en plein vol. Il tirait une tronche dépitée
d'un inspecteur qui va devoir reprendre son enquête à zéro. Il venait
sûrement de comprendre que les gros n'étaient pas du genre à tacler
irrégulièrement dans leur surface. Si jamais on devait rejouer un match
dans ce stade, c'est à eux qu'il faudrait la faire, la grosse fête triomphale
des vrais supporters.
© Copyright 2001 Collectif Zak. Tous droits réservés.
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